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L'hétérogénéité comme facteur de motivation scolaire

La question de la motivation et de l'hétérogénéité pour les adolescents en difficulté scolaire reste centrale. En effet, selon leur parcours scolaire et selon l'origine de leurs troubles, les fragilités seront propres à chacun. On voit ainsi arriver des élèves ayant des niveaux scolaires très différents. Davantage encore, un élève peut se montrer performant dans une matière et présenter d'importantes lacunes dans une autre. Le problème de l'hétérogénéité se pose vraiment pour ces élèves se retrouvant dans la même classe. Outre ces difficultés de nature différente, bien souvent, d'après mon observation, ils ont un point commun qui freine leur évolution: le manque de motivation. Cette expression , écrite sur beaucoup de bulletins, soupirée dans bon nombre de réunions m'a très vite interpellée. En effet, comment agir sur des difficultés considérées comme une fatalité, lorsqu'elles ne sont pas niées? Comment faire mesurer à un adolescent noyé dans ses difficultés scolaires, familiales, éducatives, psychologiques, l'enjeu d'une réussite scolaire dont souvent ils ont fait le deuil et qui n'est plus dans ses préoccupations directes? Comment aider quelqu'un qui ne veut pas être aidé?

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L'hétérogénéité

Tels étaient mes questionnements. A l'heure où nous parlons de projet individualisé, personnalisé, il n'en reste pas moins que le même groupe d'élèves est rassemblé un certain nombre d'heures par semaine dans le même espace. Même si les contenus scolaires sont personnalisés, il faut apprendre à travailler ensemble, à se supporter. Il m'est apparu comme indispensable de créer une dynamique de classe. Très vite, j'ai compris que je devais utiliser cette hétérogénéité pour créer cette dynamique qui, je l'espérais, agirait sur la motivation des élèves.

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Comment être motivant?

Etre motivant c'est adopter une attitude d'ouverture, de compréhension et de soutien; c'est faire preuve d'accueil, proposer des objectifs exigeants en respectant les capacités des élèves. Etre motivant c'est aider les élèves à prendre conscience de l'importance des apprentissages scolaires pour maintenant et plus tard, les aider à se projeter dans le futur, se construire dans l'imaginaire et prendre du pouvoir sur leur avenir. 

La motivation se mesure à l'épreuve du temps, elle dépend d'une série de facteurs qui dépassent le cadre scolaire; Elle suppose une intériorisation des conduites ou des idées proposées pour permettre à l'élève de mobiliser et de développer ses capacités vers la réalisation d'un objectif. Dans le cadre scolaire, les facteurs possibles de motivation sont divers: notes, diplômes, récompenses, sanctions. Or, cela suppose que les élèves puissent se projeter dans un avenir plus ou moins proche et sans crainte, ce qui n'est pas souvent le cas. Il est donc important de considérer l'ensemble des facteurs qui peuvent contribuer à motiver ou à démotiver les élèves. Dans ce sens, il convient d'apprendre à connaitre les élèves: univers culturel, passé scolaire, vécu, besoins, rêves, désirs, son projet personnel, ses représentations, ses valeurs...

Premier constat: les acquis des élèves sont différents, les parcours et les projets personnels sont différents, Les modes individuels d'acquisition sont différents et les apprentissages eux-mêmes créent des différences. Il faut donc amener chacun de ces adolescents à avoir une vision non fataliste et non irréversible de l'erreur. L'objectif est d'aider l'élève en favorisant sa motivation par une meilleure perception du sens de l'enseignement dispensé et en lui permettant de s'appuyer sur le groupe pour trouver ses réponses. L'attention de l'enseignant se porte ainsi sur la façon de permettre qu'existe un milieu, un groupe, une organisation dans laquelle pourront s'enclencher tous les apprentissages, se construire tous les langages, même si ces processus ne passent pas par l'activité purement pédagogique de l'enseignant. Les processus d'apprentissage sont donc au cœur de toute pédagogie: nous proposons, observons et régulons les activités des élèves. Ces méthodes pédagogiques mettent en œuvre des outils et des situations d'apprentissage et doivent respecter l'équilibre entre les trois pôles: apprenants, formateur, savoir. 

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Dans la pratique

J'aimerai vous décrire une séance dans laquelle les élèves sont en situation interactive. En travaillant en groupe, ils confrontent leurs représentations et construisent leur savoir. En effet, nous savons aujourd'hui que nous ne pouvons plus nous focaliser uniquement sur les mécanismes individuels pour acquérir des compétences. Dans cette théorie du conflit socio-cognitif portée par plusieurs chercheurs, l'objectif n'est jamais un objectif de production mais un objectif d'apprentissage. L'information doit être donnée en amont: le groupe n'est pas l'instance où l'on prend connaissance de l'information mais où s'engage un processus de maîtrise de cette information.

La séance que je vais décrire est préparatoire et complémentaire aux séances de productions d'écrit. En effet, les examens du C.A.P. ou du diplôme du brevet demande un exercice bien souvent éprouvant et source d'angoisse pour les élèves: la rédaction. En leur expliquant le sujet et ce qu'on attend d'eux, ils restent malgré tout devant une feuille blanche et leur explication est toujours la même: ils n'ont pas d'idées. Nous pouvons leur expliquer la méthodologie mais ils restent bloqués par le contenu à fournir dans une attitude de procrastination. Durant cette séance, j'aborde l'argumentation, notion encore confuse pour eux.  Nous avons d'abord un échange libre sur la définition d'un argument et nous écrivons au tableau les représentations des élèves à la manière d'un brainstorming. Certains participent spontanément mais d'autres restent dans une attitude passive. Je leur annonçai alors que nous allions faire des débats et formai des groupes de deux. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, c'est une situation très directive: l'enseignant a la responsabilité du choix, de la répartition des sujets et qui serait pour ou contre. Bien sûr, je choisis des thèmes qui pouvaient les intéresser: "Les tags dans la rue", "la légalisation du cannabis" mais aussi d'autres sujets sur lesquels ils n'avaient pas l'habitude de réfléchir. Ils avaient pour consigne de trouver aux moins dix arguments chacun avec une préparation de vingt minutes pour des débats qui allaient durer, je l'espérais, au moins dix minutes. Cette phase de préparation n'était pas individuelle. Ils pouvaient se lever pour aller demander conseil, s'entraider en comparant leurs idées. Ce que j'ai pu observer durant cette phase était très intéressant. Ils arrivaient à échanger, à demander conseil. J'observais peu de frustration, pas de bons ou mauvais élèves mais des élèves soucieux de trouver leurs arguments en s'appuyant sur les forces des autres ou en essayant d'apporter leur soutien, en prenant des notes et en tentant de trouver les bonnes formulations. Vint ensuite la phase de confrontation. Je passais dans chaque groupe pour réguler les échanges un peu vifs ou pour aider dans la formulation d'idées. Parfois maladroits, parfois insensés, les élèves n'ont pas peur de se reprendre, de se corriger ou de s'opposer.

La plupart ont compris la notion de l'argumentation, mais je sais aussi qu'ils peuvent travailler ensemble sans que les différences de niveaux ne soient un obstacle mais au contraire deviennent une force et enrichissent les échanges. Parce qu'ils savaient qu'ils pouvaient être aidés ou aider eux-mêmes, ils ont oublié pendant un moment leur aversion pour le travail scolaire et se sont motivés pour aller au bout de ce travail. Le travail collaboratif, par atelier, en module, les échanges à l'oral, les activités pratiques et expérimentales sont des situations pour lesquelles l'hétérogénéité est une ressource.

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